Oliver Heer sur le Vendée Globe : « Finir et raconter et une belle histoire »

À tout juste 36 ans, Oliver Heer est l’un des 40 skippeurs engagés sur le prochain Vendée Globe – course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance – qui s’élance des Sables d’Olonne le 10 novembre prochain. La concrétisation d’un rêve d’enfant et l’histoire d’une vie pour ce marin au parcours atypique qui devient le premier Suisse allemand à participer à cette épreuve légendaire.

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Souriant, calme et détendu, Oliver Heer attend avec impatience l’automne prochain pour prendre le départ de son premier Vendée Globe. ©David Savary

Une aventure sur la mer ça n’a pas de prix. C’est le constat dressé par Oliver Heer qui préfère l’immensité de l’océan à l’atmosphère étouffante d’un bureau dans l’univers bancaire.

Le rêve d’une vie

Originaire de Zurich et passionné de voile dès son plus jeune âge, celui que l’on surnomme Ollie souhaite devenir marin professionnel. Il cède cependant à l’injonction familiale, faire des études et apprendre un métier. Normal. Diplômé en commerce international et communication, le jeune homme suit son père dans le monde de l’entreprise.

Travaillant d’arrache-pied, il exerce dans le secteur de la banque. À Singapour notamment. Mais il est des faits qui modifient parfois le cours d’une vie. Son père décède prématurément. Ollie change radicalement de cap et revient sur son rêve de toujours, naviguer sur les mers et les océans.

Un mentor, le navigateur Alex Thomson

En 2014, il s’installe au Royaume-Uni pour participer à des courses professionnelles au large. Il rejoint l’équipe du navigateur britannique Alex Thomson (2ème du Vendée Globe en 2017, 3ème en 2013) et son Imoca (Ndlr : voiliers monocoques de 60 pieds, soit 18,28 mètres) Hugo Boss. En passant du statut d’équipier à celui de capitaine, Oliver Heer progresse et acquiert des connaissances techniques considérables.

Alex Thomson le choisit comme co-skippeur pour la Fastnet Race 2021. C’est au cours de cette course qu’il confesse son envie de réaliser sa propre campagne pour le Vendée Globe. Il donne congé à son employeur et acquiert au début de l’année 2022 son propre bateau Imoca, Gitana 80, un voilier qui a appartenu à certains des plus grands noms de la course au large, dont Jean Le Cam, Fabrice Amedeo et Romain Attanasio.

Une équipe soudée avec un camp de base à Port-la-Forêt

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L’Oliver Heer Ocean Racing (OHOR) au mouillage dans la baie de Port-la-Forêt. ©David Savary

L’Oliver Heer Ocean Racing (OHOR) est lancé. En compagnie de son épouse anglaise Theresa, « c’est elle la chef, la manager », Ollie s’entoure d’une équipe complémentaire et efficace. Il y a David, le « boat captain », Damien, le directeur technique, Jonathan, le matelot, et Sharon, la community manager. Tous sont là pour exaucer le rêve d’Ollie, participer au Vendée Globe.

Sympathique et souriant, Ollie a scellé « un deal » avec sa femme, « pas d’enfants ». Du moins pas pour le moment car ce n’est pas vraiment compatible avec une vie sur la mer. Le couple possède une maison à Port-la-Forêt, le port de tous les marins face à l’archipel des Glénan (Finistère). Un site naturel protégé et surtout le spot idéal pour s’entrainer dans la perspective du Vendée des Globe.

La Route du Rhum, première course transatlantique

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Le bateau dispose au total d’un jeu de huit voiles. © West Media – Oliver Heer Ocean Racing

La première course transatlantique en solitaire d’Oliver a été la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022. Une épreuve qu’il parvient à terminer non sans difficultés. Après une Fastnet Race et un Défi Azimut réussis en 2023, le marin est ensuite contraint de se retirer de la Transat Jacques Vabre en double, « c’est la vie » déclare-t-il un brin fataliste en français.

Pour s’assurer une place parmi les 40 skippeurs sur la ligne de départ du Vendée Globe le 10 novembre prochain, Oliver Heer doit accumuler des milles nautiques. La préparation et les entrainements se font plus intenses. Il s’aligne fin avril sur la Transat CIC, la plus ancienne course transatlantique en solitaire, qui se dispute entre Lorient et New York, soit près de 3 500 milles nautiques.

Proche de l’épuisement entre Lorient et New York

Là encore la course ne s’est pas déroulée comme prévu, 18 jours de galère qui ont poussé le navigateur dans ses derniers retranchements. Après avoir frôlé le chavirage en pleine nuit dans 40 nœuds de vent, à 1 000 milles de la terre la plus proche, Oliver Heer, qui s’est légèrement blessé lors d’une manœuvre, a dû aussi lutter contre une panne d’électricité, l’absence de pilote automatique et des voiles endommagées. En mode survie durant de très longues heures, parfois bloqué dans un brouillard glacial, proche de l’épuisement, il réussit à reprendre le contrôle de son bateau accidenté pour rallier l’arrivée.

« Un cauchemar » a déclaré Oliver Heer. « Ce n’était pas une course, c’était un combat pour arriver sain et sauf avec mon bateau à l’arrivée » précise-t-il. Et de saluer « le travail remarquable de son équipe technique pour résoudre les problèmes électriques et s’assurer que mon bateau est sûr et prêt à régater à nouveau ». Ce sera chose faite avec son engagement sur la New York Vendée Les Sables d’Olonne qu’il a terminé tout récemment. Encore des milles accumulés et cette fois sans trop d’avaries contrairement aux courses précédentes.

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Ollie nous fait découvrir le cockpit de son Imoca avec notamment le poste de commandement. ©David Savary

« Just tell a good story »

Sa participation au Vendée Globe assurée, le Suisse allemand avec son équipe peaufine les derniers réglages. Quand on lui demande son objectif sur « l’Everest des mers », il répond tout de go, « just tell a good story ». « Peu importe la place », il veut juste « finir et raconter une belle histoire ».

Une belle histoire qui se double notamment d’une véritable conscience écologique. En collaboration avec plusieurs chercheurs de premier plan, Ollie veut démontrer comment la voile peut contribuer aux progrès de la durabilité et de la science du climat, grâce à l’installation d’un équipement de collecte de données à bord. Son Imoca joue aussi le rôle d’un « laboratoire flottant de recherche et de développement pour plusieurs partenaires techniques ».

OHOR s’est assuré le soutien de quelques partenaires comme Delma, une boutique horlogère… suisse ou Burgerstein Vitamine, gélules prévenant les carences en vitamines C, mais aimerait bien trouver un partenaire titre pour l’accompagner dans son périple jusqu’à la fin de la campagne du Vendée Globe ainsi que pour le cycle 2025-2029.

Entre réglages, tests et entrainements, Oliver et Theresa s’octroient quelques pauses pour profiter des charmes de la région. Ils font de sympathiques balades en compagnie de leur chien Tao (l’acronyme de Theresa and Ollie), un magnifique labrador noir qui lui aussi ne dédaigne pas prendre le large.

À la faveur d’une journée en mer, le couple invite ponctuellement partenaires, journalistes ou scolaires à venir découvrir le bateau. L’occasion de se rendre compte du côté spartiate des espaces et de l’exiguïté du cockpit – difficile de se tenir debout sans baisser la tête. Sur ce poste ô combien stratégique, tout un tas d’instruments électroniques permettent de paramétrer le navire. Radars, téléphones et alertes en tous genre qu’oliver se plait à expliquer aux visiteurs.

Du chocolat suisse et du saucisson

Adepte des sports outdoor, adorant la montagne, doué aussi sur les skis, Ollie n’emmènera pas de séries Netflix à bord de son superbe bateau noir et blanc l’automne prochain. Tout juste quelques bons podcasts et de la musique, « toutes sortes de musiques ». Côté nourriture, les provisions se limitent à 90 jours. Du lyophilisé essentiellement (encombrement réduit et longue conversation), et des plats plutôt épicés, « j’adore ça ». À bord également deux dessalinisateurs (aspirent et filtrent l’eau de mer pour obtenir de l’eau douce et fraiche), la condition indispensable pour survivre. En cas de coup de mou, Ollie a tout prévu, du chocolat suisse, mais aussi des crakers, du saucisson et des cornichons pour se faire un p’tit apéro.

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La vie de marin, du plaisir mais parfois aussi de grosses galères. © West Media – Oliver Heer Ocean Racing

Le bateau aux Sables d’Olonne dès le 18 octobre

Et lorsqu’il en aura fini avec la plus grande course à la voile autour du monde, il se jettera sur « un steak salade et une bonne bière ». D’ici-là la route est encore longue. Le bateau devra être amarré aux Sables d’Olonne à compter du 18 octobre. Le Village du Vendée Globe ouvrira ses portes le lendemain. Le départ de la 10ème édition de la célèbre course au large aura lieu le dimanche 10 novembre à 13h02 précises.

Nous souhaitons bien entendu bonne chance à Ollie que nous suivrons aussi dans l’accomplissement de son rêve.

https://www.youtube.com/shorts/lORhhOMo3cQ

Pour suivre Oliver Heer, c’est ici.

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

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