Verra-t-on un jour le « Tour de France by McDonald’s » ?
À l’initiative de l’association Sporsora qui fédère des acteurs de l’économie du sport, un débat était organisé le 12 février sur les tendances actuelles et futures du naming dans le sport français. Un modèle en pleine expansion mais dont on peut s’interroger quant à son acceptation par le public.

Stratégie marketing inspirée des pratiques nord-américaines, le naming s’impose aujourd’hui comme un outil incontournable pour le financement et le développement du sport en France. « Cette stratégie regroupe tous les ingrédients d’un sponsoring efficace : engagement, visibilité, relationnel et performance collective. Il est essentiel de poursuivre cette dynamique en valorisant les bonnes pratiques et en renforçant la position de la France sur ce marché » déclare Aurélie Dyèvre, directrice générale de Sporsora.

L’association relève que 55 opérations de naming ont été recensées cette année, parmi lesquelles 20 contrats signés ou renouvelés en 2024.
16 nouveaux accords signés l’an dernier
Si le naming des enceintes sportives montre quelques signes de ralentissement, comme en témoigne l’Arkéa Park de Brest, dont le contrat n’est attendu que pour 2027, celui des compétitions et événements poursuit sa croissance, avec 16 nouveaux accords l’année dernière. Parmi les plus marquants, le contrat record de la Ligue 1 avec McDonald’s pour 30 millions d’euros annuels. Citons également le parrainage de la ligue masculine de volley-ball par l’opérateur de vacances Marmara. Actuellement, 11 ligues professionnelles françaises bénéficient du naming.
Autre tendance en vogue : le naming des centres de formation, à l’image des derniers contrats entre Macif et le Stade Rochelais ou encore Itrust et Colomiers Rugby.

Le naming, oui mais pas partout
À l’échelle nationale, certaines enceintes sportives emblématiques ont adopté cette stratégie, telles que l’Orange Vélodrome de l’Olympique de Marseille, ou le Groupama Stadium de l’Olympique Lyonnais. Ce phénomène touche aussi bien sûr l’Europe, avec par exemple le Signal Iduna Park du Borussia Dortmund, la Mercedes Benz-Arena du VfB Stuttgart, ou encore le Spotify Camp Nou du FC Barcelone. Le naming s’étend également aux arénas et stades omnisports, à l’instar de l’Accor Arena à Bercy. Cependant, il est important de noter que, pour une grande majorité du public, ces lieux restent désignés par leur nom historique, comme « le Vélodrome », « Félix Bollaert » ou « Bercy », ce qui démontre que l’impact du parrainage demeure relatif. D’ailleurs le naming du stade Geoffroy-Guichard à Saint-Etienne est impossible, car la métropole propriétaire du stade l’interdit. Sage décision.
Surprenant, le public adhère
Néanmoins, le baromètre Sponsorlink 2025 de Nielsen Sports, présenté lors du forum Sporsora, met en lumière une tendance aussi surprenante qu’intéressante. L’adhésion du public au naming est en forte croissance. En effet 46% des Français se disent désormais favorables à cette pratique. C’est une progression de huit points depuis 2019. Ce phénomène bénéficie directement à l’image des marques. 28% des sondés affirment mieux mémoriser les marques impliquées, tandis que 14% constatent une amélioration de leur notoriété. De plus, 10% des consommateurs se disent plus enclins à acheter un produit associé à une marque impliquée dans le naming. Bon…
Le sport féminin, nouvel eldorado du naming
Autre constat, l’essor du sport féminin constitue un terrain fertile pour les marques, avec des contrats stratégiques tels que ceux signés par La Boulangère avec la Ligue féminine de basket ou par Saforelle avec la Ligue nationale de volley. Selon le Baromètre du sport féminin (Sporsora, OpinionWay, FDJ), 54% des Français suivent désormais des compétitions féminines, un taux qui grimpe à 72% chez les amateurs de sport. En réponse à cette tendance, les quatre principales ligues féminines françaises bénéficient désormais d’un naming : l’Arkema Premier Ligue (football), la Ligue Butagaz Énergie (handball), la Boulangère Wonderligue (basketball) et la Saforelle Power Six (volleyball).
« Nous avons souhaité nous engager de manière significative. Le naming nous permet de contribuer à faire bouger les lignes en faveur d’un sport plus équitable, tout en apportant un gain de visibilité pour la marque et pour la ligue » affirme Ambre Manseau, responsable Marketing chez Saforelle.
« La Boulangère est une marque féminine et c’est tout naturellement que nous avons déployé une stratégie sponsoring axée autour du sport au féminin dès 2017 » témoigne pour sa part Tifenn Castrec, directrice de la Communication chez La Boulangère. La responsable souligne que cette démarche s’inscrit « en complément des partenariats déjà engagés dans la voile et auprès de la Fédération Française de Handball, tout en ouvrant la marque à un nouvel univers sportif ».
Depuis septembre 2024, la première division féminine de basket est ainsi devenue La Boulangère Wonderligue. « Ce rapprochement stratégique avec La Ligue Féminine de Basketball va nous permettre d’aller à la rencontre des consommateurs et de faire découvrir nos produits » précise Tifenn Castrec. Cette dernière insiste également sur l’importance de la visibilité offerte par ce partenariat : « Être présents sur les terrains de ce championnat féminin inspirant, avec 12 clubs engagés et près de 132 matchs joués durant la saison régulière et les phases finales, cela fait sens pour notre marque. Ce choix répond à notre objectif de maillage territorial et de proximité » ajoute-t-elle encore.
Vigilance sur l’histoire et le respect des lieux
Le naming est un levier de financement efficace, mais il suscite aussi des débats importants. Certains observateurs pointent du doigt le risque de perte d’identité pour les enceintes et compétitions renommées au gré des contrats, créant une instabilité pour les supporteurs et les acteurs du sport. De plus, cette commercialisation accrue du sport remet en question l’équilibre entre visibilité des sponsors et respect de l’héritage et des valeurs sportives. Enfin, l’impact financier du sponsoring n’est pas toujours garanti, certains contrats peinant à justifier leur coût par un retour sur investissement suffisant.
C’est indéniable : le naming est en pleine expansion dans le sport français, offrant aux marques une visibilité accrue tout en permettant aux clubs et acteurs du sport de financer des projets d’envergure. Toutefois, cette pratique soulève des questions légitimes sur l’impact qu’elle peut avoir sur l’histoire des lieux et la mémoire collective des supporteurs et des passionnés. Imaginez « un Tour de France by McDonald’s ». Une telle évolution dénaturerait l’âme de cet évènement qui fait partie de notre patrimoine. Nous resterons, bien entendu, vigilants.