Les Jeux Olympiques, comme une vitrine de l’histoire

Jusqu’au 8 septembre se déroule au Palais de la Porte Dorée (Paris 12ème) l’exposition « Olympisme, une histoire du monde ». Très documentée et particulièrement instructive, celle-ci retrace de façon chronologique plus de 130 ans d’évolutions géopolitiques, politiques, sociales et culturelles depuis la création des Jeux Olympiques modernes en 1896 jusqu’aux Jeux de Paris.

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Pascal Blanchard, l’un des sept commissaires de l’exposition, devant la photo iconique du podium du 200 mètres à Mexico. ©David Savary

Pas moins de sept commissaires ont uni leurs savoirs et compétences pour monter cette exposition. Pour l’historien Pascal Blanchard, elle est parfaitement « adaptée aux élèves » parce que par le prisme du sport, elle donne la possibilité « aux enseignants d’aborder des thèmes comme la montée des nationalismes, les grandes expositions universelles, les deux guerres mondiales, la Guerre froide, la mondialisation… ».

« Les élèves, le sport ils kiffent. Ils parviennent à rester concentrés durant 1h30, c’est pas du bonheur ça » poursuit le spécialiste de l’Empire colonial français et l’histoire de l’immigration.

De 1896 à aujourd’hui, 33 olympiades passées en revue

Le parcours rythmé et chronologique de cette exposition plonge le visiteur dans les coulisses de chacune des 33 olympiades, d’Athènes en 1896 à Paris en 2024, incluant aussi celles qui ont été annulées (1916, 1940, 1944). Avec près de 600 œuvres, documents, films d’archives et photographies, l’exposition fait dialoguer événements historiques, figures sportives et grands témoins de l’histoire. C’est passionnant.

Cette histoire globale est traversée par des conflits internationaux majeurs et des combats multiples. Parmi eux : les luttes en faveur de l’égalité, contre le racisme et les discriminations, pour l’ouverture progressive des Jeux à toutes les Nations et peuples du monde en passant par l’inclusion, la parité et le droit des femmes ou encore la revendication des droits civiques et la lutte contre l’apartheid tout comme les défis écologiques.

« La première image que les scolaires reconnaissent lorsqu’ils viennent ici »

Dans sa présentation lors d’une soirée privée, Pascal Blanchard s’est notamment arrêté sur une photo que tout le monde connait, « c’est d’ailleurs, dit-il, la première image que les scolaires reconnaissent lorsqu’ils viennent ici ». Cette photo, c’est celle de Tommie Smith (voir ci-dessous), champion sur 200 mètres et médaille d’or lors des Jeux Olympiques de Mexico de 1968, qui avec son compatriote John Carlos, au moment de l’hymne américain, lève le poing ganté de noir sur le podium afin de dénoncer la ségrégation aux Etats-Unis (symbole de la lutte des Black Panthers). Leurs chaussures enlevées et placées à leurs côtés sont là aussi pour rappeler la pauvreté des noirs-américains. Sur le podium également l’athlète australien Peter Norman arbore lui aussi le badge « Olympic Project for Humans Rights » en soutien aux deux autres compétiteurs.

« Ils ont fait ça aussi parce qu’ils savent qu’il y a la télé, à l’époque 400 millions de téléspectateurs. Ils savent qu’ils vont rendre visible leur combat » explique Pascal Blanchard précisant que cette photo est « l’un des 100 photos qui a fait l’histoire du XXème siècle selon le magazine Times ».
Les trois athlètes seront expulsés par le CIO. Exclus de l’équipe américaine, bannis du stade olympique, Tommie Smith et John Carlos n’ont jamais réussi à se faire employer convenablement par la suite. Leur reconnaissance a été très tardive.

Apartheid et fraternité

Autre image forte, « une des plus belles des Jeux Olympiques », retenue par le commissaire Pascal Blanchard, celles des deux coureuses de fond, l’éthiopienne Derartu Tulu et la sud-africaine Elena Meyer, qui à l’issue de leurs 10 000 mètres aux JO de Barcelone en 1992 effectuent un tour d’honneur enroulées dans leurs drapeaux respectifs. Un magnifique symbole de fraternité, alors que l’Apartheid vient tout juste d’être aboli en Afrique du Sud.

Tout au long de cette exposition, sont également évoqués la Flamme olympique, allumée pour la première à Amsterdam en 1928, année même où une femme bat pour la première fois un homme. C’était lors d’une compétition à la voile. À noter qu’il a fallu attendre 2007 pour que la Charte olympique rendre obligatoire la présence des femmes dans tous les sports. Et pour la première fois il y aura autant d’athlètes hommes que femmes cet été à Paris.

La Chine sera encore la « première nation sportive en 2024 »

À chaque olympiade, ses avancées notables ou non et ses nouveautés. En 1996, le choix d’Atlanta, siège de Coca-Cola, à la place d’Athènes pour le centenaire des Jeux créée la polémique. C’est le business qui domine. 2004 pointe les investissements pharaoniques en matière d’infrastructures et d’équipements sportifs à Athènes. « 90% sont aujourd’hui à l’abandon. C’est le début du questionnement sur le devenir des infrastructures et le coût des Jeux » souligne Pascal Blanchard. En 2008 Pékin devient « le symbole de sa puissance en récupérant et en gagnant les Jeux ». « Ils seront encore la première nation sportive en 2024. À travers Pékin se pose « tout le débat sur la démocratie » et de « se montrer au monde comme une hyper puissance » complète le responsable.

À quoi ressembleront les jeux de demain ?

Extrêmement riche, cette exposition mettant en scène 30 Jeux Olympiques et 15 Jeux Paralympiques, nous interroge avec acuité sur le parcours hors norme de sportives et sportifs qui ont marqué de leur engagement l’histoire contemporaine. Nous vous recommandons vivement cette exposition.

En sortant du Palais de la Porte Dorée qui abrite aussi le musée de l’Histoire de l’immigration, nous pouvons également nous demander à quoi ressembleront les Jeux demain, comment seront-ils organisés ? « Brisbane a reçu les Jeux de 2032. Pour la première fois il n’y avait pas de ville concurrente » souligne Pascal Blanchard.

Pour le spécialiste, « aucun maire, aucun élu au monde dit aujourd’hui à sa ville, sa population, je veux les Jeux. Il est sûr de perdre ». Pourquoi : « parce que les Jeux c’est de la politique et il y a beaucoup de raisons de ne pas les vouloir : le coût, les infrastructures, les travaux, l’éco-responsabilité… ».

Avec le Esport, « les jeunes vont suivre »

Mais ce qui est intéressant depuis le début des Jeux Olympiques, conclut Pascal Blanchard, c’est que « le CIO a toujours su s’adapter et continuera à s’adapter demain. Si demain ils font venir le Esport, ce n’est pas parce qu’ils adorent le E-sport, c’est parce qu’ils savent que les jeunes vont suivre ».

« Dans 40 ans les Jeux ne ressembleront en rien aux JO de Paris 2024 » affirme l’historien. Nous ne serons plus forcément là pour s’en apercevoir.

Davantage de renseignements ici.

Tommie Smith : « Be yourself, love yourself !

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©David Savary

Le 11 juin dernier, à l’invitation de la Casden Banque Populaire, la banque coopérative de la Fonction publique, qui soutient cette exposition, l’athlète Tommie Smith est venu témoigner de son parcours sportif et son combat pour la cause raciale dans le sport et dans la société américaine. Un moment inoubliable où nous étions présents.

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

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