Florent Manaudou, l’homme qui n’aime pas nager

Invité à Doha (Qatar) lors du récent congrès du réseau d’agences de voyages Selectour, le nageur multi-titré Florent Manaudou est revenu sur son parcours et sa vie d’un athlète de haut niveau. Avec ses hauts et ses bas.

Florent Manaudou, l’homme qui n’aime pas nager 1
Florent Manaudou espère à l’avenir « transmettre aux générations futures ». ©David Savary

« Je n’ai jamais aimé vraiment nager ». Cet aveu peu paraitre surprenant pour un sportif qui domine sa discipline depuis tant d’années. Champion olympique à seulement 21 ans du 50 mètres nage libre à Londres en 2012, sur la troisième marche du podium douze ans après lors des Jeux de Paris, Florent Manaudou ne cache pas qu’il lui arrive d’être peu motivé pour aller s’entrainer.

La discipline plus que la motivation

« Il ne faut pas croire que les sportifs aiment tout ce qu’ils font tous les jours. La natation c’est mon job, mais parfois, comme tout le monde, on se lève le matin, et on n’a pas envie d’y aller » reconnait le champion français. Celui-ci concède d’ailleurs que ce n’est pas tant « le facteur motivation qui est la clé mais plutôt la discipline ».

Au fil des années, le programme d’entrainement de Florent Manaudou a évolué. En début de carrière, il nageait « jusqu’à 30 heures par semaine, dont 50 à 60 kilomètres dans l’eau ». Aujourd’hui, à 34 ans, pour son « plus grand plaisir », il nage beaucoup moins, entre 10 et 12 kilomètres par semaine. « Faire moins mais mieux » est devenu comme un mantra pour lui. Pour l’anecdote, sa sœur ainée Laure (médaillée d’or en 2000 à Athènes sur 400 mètres nage libre) nageait entre 15 et 18 kilomètres par jour. « Nous n’avons pas fait le même sport. C’est pour ça qu’elle a arrêté à 21 ans, et moi je suis toujours en compétition à 34 ans » déclare en souriant Florent.

« Une vie monacale, cela m’angoisse »

Celui qui est licencié au Cercle des nageurs de Marseille avoue ne pas toujours être sage, « une vie monacale, cela m’angoisse » dit-il. Ayant trouvé un équilibre entre sacrifices et plaisirs, il avoue par exemple « fumer des cigarettes » ou « manger une pizza la veille d’un entrainement important », tout simplement « pour se faire du bien au cerveau ». « En tant que sportifs de haut niveau, nous sommes perçus comme des forces de la nature, des gendres idéaux, mais ce n’est pas vrai » proclame Florent Manaudou.

« L’an dernier, j’ai attaqué ma saison olympique en faisant la fête durant quatre mois. Et puis d’un coup j’ai basculé et suis devenu très sérieux. J’intègre vite » résume Florent Manaudou, qui se permet certains écarts avant de devenir intraitable sur sa préparation physique et mentale. « Par exemple, au printemps dernier, j’avais décidé de perdre 10 kilos. Je me pesais 10 à 15 fois par jour. L’excès va dans les deux sens » explique-t-il.

« Ma mère m’a déchiré ma licence de hand »

Etonnamment, Florent Manaudou n’a pas choisi la natation au départ par passion. Lorsqu’il était enfant, le handball était son sport de prédilection, mais sa mère, déçue par une mauvaise note à l’école, lui a « déchiré » sa licence et l’a contraint à se consacrer exclusivement à la natation. Comme une punition. « Contrairement à d’autres sports où l’on joue comme le football ou le rugby, la natation n’est pas perçue comme un amusement » confie-t-il. Dans un coin de sa tête, Florent Manaudou s’est dit qu’un jour il referait du hand, et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé à l’issue des Jeux de Rio en 2016 lorsqu’il a rejoint le club d’Antibes en Ligue 2.

Léon Marchand, « un gars super intelligent »

Interrogé sur le nageur prodige Léon Marchand (quatre médailles d’or lors des derniers JO), Florent Manaudou ne tarit pas d’éloges à son égard, « c’est un gars super intelligent doté de qualités physiques ». Il ajoute : « ses deux parents ont fait les Jeux Olympiques, il possède un bon patrimoine génétique. Il a tous les curseurs aux bons endroits pour performer et être heureux. Je l’aime beaucoup ». Détail amusant, Florent avait, enfant, en poster dans sa chambre Xavier (médaille d’argent du 200 m quatre nages lors des Championnats du monde à Perth en 1998), le papa de Léon.

« Je reçois des émotions incroyables, je m’efforce aussi d’en donner »

À 34 ans, le natif de Villeurbanne songe déjà à la fin de sa carrière, « j’aimerai faire une dernière saison, mais je ne pense pas tenir quatre ans pour aller jusqu’aux Jeux de Los Angeles. À Paris j’étais déjà le nageur le plus ancien ». S’il n’a pas encore véritablement réfléchi à sa reconversion, l’idée de « transmettre son expérience et créer un héritage » lui tient à cœur. « J’ai dit que je n’aimais pas vraiment nager, mais tous les gens que j’ai pu rencontrer, tous les voyages que j’ai pu faire, c’est grâce à la natation. Je reçois des émotions incroyables, je m’efforce aussi d’en donner, et j’espère à l’avenir pouvoir apporter aux générations futures » explique Florent Manaudou.

Sensible et sympa, le nageur ne cache pas aussi avoir essuyé une petite dépression à l’issue des Jeux de Paris. Comme souvent à la fin de chaque olympiade. « Oui Paris, c’était magique » déclare-t-il. « Quand on monte très haut, on redescend très bas. C’était très compliqué, il y a des moments où je pleurais tout seul, mais aujourd’hui là ça va » signale Florent Manaudou.

Tahiti, « c’est trop beau »

En marge des bassins, celui qui a été marqué par le basketteur Michael Jordan car il a « révolutionné son sport », aime voyager et découvrir le monde. « Le problème c’est qu’en période de compétition, il s’agit de perdre le moins d’énergie possible donc on n’a pas vraiment le temps de visiter ». Sa destination préférée : Tahiti, « c’est trop beau, avec les lagons, la forêt et des gens extraordinaires ». « Le problème, conclut Florent Manaudou, c’est que pour rentrer on passe par Los Angeles, et lorsqu’on a affaire à la douane américaine, c’est beaucoup moins fun ».

Un palmarès XXL

Entre 2012 et 2024, Florent Manaudou remporte six médailles aux Jeux Olympiques (l’or à Londres en 2012 sur 50 m nage libre, l’argent à Rio sur 50 m nage libre et au relais 4 × 100 m nage libre, l’argent à Tokyo sur 50 m nage libre, le bronze à Paris sur 50 m nage libre et au relais 4 × 100 m 4 nages). Il est par ailleurs sur la plus haute marche du podium à huit reprises sur les Championnats du monde, et 11 fois sur les Championnats d’Europe. Florent Manaudou détient également 32 titres de Champion de France.

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

S’abonner
Notifier de
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires

La Newsletter de Sport et Tourisme.

Chaque semaine, nous vous envoyons une sélection d'articles consacrés au tourisme sportif.

RECEVOIR LA NEWSLETTER