Jeux Olympiques et tourisme : le duo gagnant ?
Environ 4 milliards de téléspectateurs, 15 millions de spectateurs, 15 000 athlètes, 20 000 journalistes accrédités, 50 000 bénévoles… voici quelques chiffres estimés pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024. Mais au juste, comment Paris va-t-il s’organiser ?
De la clôture des Jeux Olympiques de Tokyo 2021 (du 23 juillet au 8 août 2021) jusqu’au mois d’octobre 2024 se déroulera « l’Olympiade culturelle de Paris », toute une série de manifestations partout en France pour valoriser le patrimoine et la culture française dans le cadre des Jeux de Paris 2024 (du 26 juillet au 11 août 2024). La période pré-Jeux Olympiques est la plus propice pour augmenter l’attractivité touristique de la France. C’est non seulement l’opportunité de promouvoir l’évènement sportif mais aussi les différents lieux qui accueilleront touristes et athlètes.
Des territoires comme la Seine-Saint-Denis vont voir leur paysage urbain se métamorphoser, avec notamment la création du Village olympique à Saint-Denis. Pensé pour la « ville 2050 », celui-ci se veut eco-friendly et réutilisable pour répondre aux besoins en logements du département. L’accueil des JO à Paris représente un formidable coup d’accélérateur à la rénovation urbaine avec notamment l’amélioration des axes routiers et autoroutiers, le nouveau métro Grand Paris Express (extension de deux lignes existantes et création de quatre autres). Un vrai plus en termes de mobilité et d’accessibilité.
« Le sport permet de faire la promotion de Paris vue du ciel »
Avoir des épreuves dans des lieux mythiques de la capitale, comme le Pont d’Iéna pour les épreuves de triathlon et d’athlétisme, ou la Place de la Concorde pour le basketball et le BMX freestyle, c’est attirer les regards sur Paris. Patrick Montel, journaliste sportif, s’interroge sur la pertinence d’une telle stratégie pour booster l’attractivité touristique de la France : « Paris est la ville la plus visitée au monde. Ce n’est pas difficile d’en faire la promotion. D’ailleurs, est-ce que la capitale en a vraiment besoin ? », avant de reconnaitre les avantages d’un tel événement pour le patrimoine français : « Le marathon de Paris se déroule mi-avril pendant 3 heures et comme star principale, on a Paris. Des avions et des hélicoptères survolent la capitale alors qu’à l’origine c’est interdit. Nous avons donc des images de Paris absolument magnifiques. Le sport permet de faire la promotion de Paris vue du ciel, ce n’est pas si fréquent ». D’autres territoires bénéficieront durant ces Jeux d’un éclairage particulier. C’est le cas de Tahiti qui recevra les épreuves de surf. Patrick Montel tient là encore à relativiser : « Tahiti aura certes une aura touristique, mais c’est loin. C’est une carte postale où l’on ne mettra jamais les pieds ». Avec l’exemple de Tahiti se pose aussi la question de la mise en valeur des territoires dont l’écosystème est fragile et qui pourraient davantage souffrir des impacts du tourisme.
L’établissement public territorial Plaine Commune se veut l’épicentre géographique de ces Jeux. « Paris devient la banlieue de Saint-Denis et c’est Saint-Denis qui est au centre des Jeux Olympiques et Paralympiques. Ces Jeux sont un accélérateur de liens entre Paris et le département 93 » indique Régis Cocault, Directeur Général de l’Office du Tourisme Grand Paris Nord (Plaine Commune). Céline Daviet, Directrice de la mission Jeux Olympiques et Paralympiques à Plaine Commune, insiste quant à elle sur le bénévolat, une opportunité pour amener les jeunes à développer leur engagement citoyen et ainsi améliorer leurs expériences professionnelles. « Le bénévolat va susciter des vocations parmi les jeunes au niveau des clubs sportifs » précise-t-elle.
Ces Jeux qui épousent les dynamiques territoriales seront en rupture avec le gigantisme des olympiades passées. Le département de Seine-Saint-Denis peut d’ailleurs s’appuyer sur ses expériences précédentes avec l’accueil de la Coupe du Monde 1998 de football, les Championnats du Monde 2003 d’athlétisme et la Coupe du Monde 2007 de rugby.
Une opportunité économique, touristique et professionnelle
Alors que durant ces Jeux, priorité sera donnée aux emplois locaux, le Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES) estime qu’entre 119 000 et 247 000 emplois devraient être créés. Des créations qui devraient bénéficier au secteur du tourisme avec environ 60 000 postes. L’hôtellerie et la restauration attendent beaucoup de cet évènement planétaire. 618 hôtels sont d’ores-et-déjà impliqués dans l’organisation des Jeux, soit 42 000 chambres pour couvrir les besoins de l’organisation.
Pour le secteur du tourisme, grâce aux 15 à 20 millions de visiteurs attendus, les retombées économiques des JOP de Paris 2024 sont évaluées à 3,5 milliards d’euros, selon le Conseil Régional du Tourisme Paris Ile-de-France. Le monde de la culture souhaite également surfer sur la vague Jeux Olympiques en adaptant son offre au public, à l’image du Musée du Louvre qui prévoit dès 2023 d’ouvrir plus d’heures et plus de salles pour se préparer à l’affluence de la saison estivale 2024.
Si tout cela est possible, c’est également grâce au rôle des médias. Le groupe France Télévisions a signé un « partenariat exceptionnel » avec le géant américain Discovery pour obtenir l’exclusivité des droits en clair et en direct, un contrat que « France Télévisions a dû payer très cher », affirme Patrick Montel. L’occasion pour le groupe audiovisuel de rester fidèle à sa ligne éditoriale en mettant en valeur le territoire français et sa culture lors des quatre semaines de compétitions. Comme il le fait déjà pour le Tour de France. « Je suis sûr qu’il y aura un programme dédié sur « l’autre Paris » avec les coins insolites de la capitale, ceux non touristiques […] et que France Télévisions va mettre le paquet. Rien à voir avec la façon dont on a traité Londres ou Rio, surtout que c’est le centenaire des Jeux. Tous les services vont mettre la main à la pâte » poursuit Patrick Montel.
Construire « l’au-delà » de Paris 2024
Paris 2024 prouve son expertise en tenant compte des conclusions des Jeux organisés par le passé, notamment à Londres en 2012 et Athènes en 2004.
Les Jeux dans la capitale britannique ont été une réussite. La ville a profité d’une dynamique pour accueillir ensuite de nombreuses manifestations sportives, et aussi organiser différents sommets avec les chefs d’Etat étrangers afin d’obtenir des contrats (EDF, Fauchon, Eurotunnel…). Grâce à l’organisation des Jeux, le quartier de Newham, le plus pauvre de Londres, a pu se transformer. Pour pallier au manque d’infrastructures, la ville a inauguré un centre commercial géant à côté du parc olympique. Bien que le budget soit passé de 2,4 milliards de livres à 9,3 milliards, les retombées économiques ont été de 13 milliards de livres en quatre ans (dont 6 milliards d’investissements étrangers), ce qui a permis une rentabilité financière.
À l’inverse, l’accueil des Jeux à Athènes a eu des conséquences dramatiques sur l’économie du pays. Bien que ces Jeux aient donné une forte visibilité internationale à une Grèce alors en plein essor économique, le complexe olympique s’est par la suite transformé en « zone fantôme » avec une grande majorité des infrastructures qui n’a pas été (ré)utilisée. Le déficit budgétaire grec est passé de 3,7% du PIB en 2002 à 7,5% l’année des Jeux, tandis que les dettes d’Etat sont passées de 182 à 201 milliards d’euros.
L’idée d’un « héritage positif »
Les réalisations du Grand Paris vont laisser une empreinte durable sur les territoires d’accueil. La qualité de vie va changer, les habitants vont commencer à intégrer le sport comme un élément de leur quotidien. D’un point de vue social, les Jeux Olympiques vont permettre de créer un sentiment d’appartenance vis-à-vis de la population locale. Selon Régis Cocault, « les habitants sont le public touristique visé, on veut qu’ils se lient avec leur patrimoine local ». Pour Céline Daviet « ce sont des JO conçus à partir d’un héritage », et Sylvie Charrière, députée de la 8e circonscription de Seine-Saint-Denis, estime que « l’idée n’est pas d’atteindre le cas de la Grèce, mais qu’il y ait un héritage positif pour la commune de Saint-Denis ». A l’image de l’offre touristique décalée et insolite que propose déjà le département avec par exemple le street-art et la Street Art Avenue entre la Porte de la Villette et le Stade de France. Inscrite dans une dynamique, Saint-Denis se porte aussi candidate pour être Capitale européenne de la culture en 2028. Verdict en… 2024.
En conclusion, deux interrogations majeures subsistent. Les Jeux Paris 2024 se dérouleront-ils comme prévu, et lorsqu’ils auront lieu comme nous l’espérons tous, existe-t-il un risque que les touristes traditionnels boudent la capitale ? Les quelques sondages réalisés sur le sujet tendent à valider cette hypothèse. Pourquoi : pace que les modes de consommation entre un touriste vacancier et un touriste sportif ne sont pas nécessairement les mêmes.
* Ce sujet a été réalisé par trois étudiants (Nardeen Hassouba, Anna Mourelon et Thomas Pagès) en Master à l’IREST (Institut de Recherche et d’Etudes Supérieures du Tourisme) – Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne.
A leur initiative, « dans le cadre de leur atelier de terrain animé par Mathilde Mignon », comme pour le groupe 1, nous leur avons exceptionnellement ouvert nos colonnes et repris une partie de leur travail.