Au fait ça se passe comment un test en hypoxie ? Reportage
À l’approche d’un séjour en altitude, il est parfois conseillé d’effectuer un test en hypoxie. Cette épreuve d’effort, qui dure un bon quart d’heure et se déroule sur un vélo, évalue la capacité d’une personne à tolérer ou non un périple sur les hauteurs. Dans la perspective de l’ascension du Kilimandjaro (5 895 m), j’ai fait ce test à l’Insep. Un exercice qui vous envoie en quelques minutes à l’altitude du Mont Blanc via un simulateur.
L’Insep, « terre de champions » (70% des médaillés olympiques de Tokyo ont séjourné au sein de cette institution), dispose d’un pôle médical de tout premier plan. Un centre de santé au service des sportifs de haut niveau mais qui est également ouvert aux patients extérieurs. Des radiologues, rhumatologues, rééducateurs fonctionnels… et une dizaine médecins du sport y exercent.
C’est donc par un beau matin d’hiver que je me suis rendu au cœur du bois de Vincennes à Paris pour effectuer ce test en hypoxie. Un test recommandé par Isabelle Mislanghe, à la tête de l’agence Côté Soleil Expéditions (Cediv Travel), qui encadre régulièrement de nombreux treks, parmi lesquels l’ascension du Kilimandjaro. Pratiquer un test à l’hypoxie permet d’évaluer ses capacités d’adaptation mais aussi les risque encourus. À l’issue, le médecin spécialiste vous livre son verdict et ses recommandations en fonction des résultats obtenus et du circuit envisagé.
D’accord mais quésaco l’hypoxie
C’est tout simplement une diminution de la concentration d’oxygène dans le sang. Un déficit d’oxygène dans l’air ambiant qui peut se matérialiser chez le voyageur par différents symptômes : maux de tête, tachycardie, douleurs thoraciques, essoufflement, troubles cognitifs, insomnies… Dans les cas les plus graves, cela peut entrainer un œdème pulmonaire ou un œdème cérébral. On parle alors de MAM (Mal Aigu des Montagnes) sévère. Si l’on s’en tient aux statistiques, un sujet sur deux est atteint d’un MAM bénin, et un cent sur cent de complications graves.
Un être humain ne dispose plus que de 20% de ses capacités physiques au sommet de l’Everest
Il faut ainsi savoir que la quantité d’oxygène diminue d’un tiers à 3 200 mètres, de moitié à 5 500 mètres, et de deux tiers à 8 848 mètres. Plus parlant encore, un être humain au sommet du Mont Blanc (4 810 m) n’a plus que 70% de ses capacités physiques au niveau de la mer. Au sommet de l’Everest (8 848 m), il ne dispose plus que de 20%, tout juste pour marcher à un rythme très lent.
C’est le professeur de physiologie Jean-Paul Richalet qui me reçoit. Dans le milieu, c’est une sommité. S’intéressant depuis près de quarante ans aux mécanismes d’adaptation de l’Homme à la vie en haute altitude, c’est lui-même qui a élaboré dans les années 80 le test d’effort en hypoxie. Je ne pouvais pas mieux tomber.
Un questionnaire médical très poussé
Tout commence par un questionnaire médical assez pointu. On m’interroge sur mes antécédents médicaux. Si j’ai des allergies. Si je suis un traitement… On me questionne également sur mes activités sportives, « essentiellement de la course à pied, en moyenne une heure deux fois par semaine ». « C’est bien, vous êtes un sportif régulier, mais contrairement à ce qu’on pourrait croire l’endurance n’est pas un facteur qui protège du mal des montagnes. Au contraire même. Certains athlètes très entrainés peuvent perdre encore plus de performance avec l’altitude. Ils doivent être particulièrement prudents et ne pas faire d’efforts trop intenses, surtout en début de séjour » indique le professeur Richalet.
Êtes-vous né prématuré ?
Une question concerne mes expériences en (haute) altitude. Hormis une traversée de la Vallée Blanche au départ de l’Aiguille du Midi (3 842 m) à l’été 2022, pas grand-chose. Et puis, cela peut paraitre plus surprenant, on me demande si je suis né à terme, « oui ». « Une étude montre que les gens nés prématurés éprouvent plus de difficultés après lorsqu’ils montent en altitude » explique le médecin qui est par ailleurs un alpiniste confirmé.
Une fois le questionnaire rempli, une infirmière vient me chercher. Je suis en tenue de sport. Elle me prend la tension puis me colle des électrodes un peu partout sur le torse et dans le dos afin d’établir notamment un ECG (électrocardiogramme). Une crème est enduite sur le lobe de l’oreille, ce qui permet à l’aide d’un capteur de mesurer le taux d’oxygène dans le sang. On me pose ensuite un masque sur le nez et la bouche. Relié à un tuyau, lui-même branché à une machine, il sert à mesurer la ventilation.
« On va vous faire monter sur le Mont Blanc »
Tout cela est un peu anxiogène mais le professeur Richalet se montre rassurant, « c’est un effort tranquille, pas du tout maximal, l’équivalent d’une randonnée. Au cours du test, on va vous faire monter en altitude, vous irez sur le Mont Blanc » prévient-il.
Je m’installe enfin sur le vélo, on appelle ça un ergomètre. Les cale-pieds sont bien réglés. Au repos des données sont déjà recueillies. Puis je débute la phase d’activité en devant pédaler à un rythme moyen de 65 tours par minute. Un compteur placé devant moi permet de garder la cadence. Durant l’exercice qui dure un peu plus de quinze minutes, l’effort se fait plus intense. Afin de simuler l’altitude, des freins sont introduits sur le pédalage augmentant ainsi la difficulté. Même si le souffle se fait plus court et la respiration plus saccadée, cela reste relativement acceptable. Lors de l’exercice, l’infirmière me prend deux fois la tension. Et scrute de près mon visage afin de s’assurer que tout aille bien.
Après ce p’tit séjour en altitude, retour sur le plancher des vaches. Je continue de pédaler. « C’est bientôt fini » signale Jean-Paul Richalet. Je vois tout de suite la différence lorsque je récupère un niveau d’oxygène normal. Que du bonheur. Encore quelques minutes puis c’est la fin de l’exercice.
« On voit que vous faites du sport »
Je me rhabille, bois un p’tit coup d’eau, eh oui il faut toujours s’hydrater. Puis retourne voir le professeur Richalet à son bureau. Il me présente les résultats à l’aide de différentes courbes (rythme cardiaque, saturation en oxygène, respiration et puissance sur le vélo) tracées tout au long de la durée de ce test d’effort. « L’ECG et le profil tensionnel sont normaux. Vous avez de bonnes réponses cardiaques et ventilatoire à l’hypoxie. Une bonne adaptation à l’effort. On voit que vous faites du sport » souligne le spécialiste. « Mais, ajoute-t-il, vous avez une forte désaturation à l’exercice en hypoxie mais également en normoxie (état du corps pour lequel l’oxygène en concentration normale dans le sang permet une activité normale) ».
Une note pas si terrible
In fine, un score, calculé par un ordinateur en fonction des résultats rentrés, délivre une note. Celle-ci doit être inférieure à 5,5 pour être considérée dans la norme. Si, au-delà de 3 000 mètres, le dénivelé entre deux nuits consécutives est inférieur à 400 m, j’obtiens la note de 4 ; s’il est supérieur à ces fameux 400 m, je me retrouve avec un 6. Pas si terrible. « Cette règle des paliers de 400 mètres est particulièrement effective en début de séjour alors que l’acclimatation ne s’est pas encore développée » affirme le médecin du sport conscient aussi qu’avec les différents camps de base, ce n’est pas toujours facile de l’appliquer. « L’avantage du Kilimandjaro, c’est que vous montez vite, mais vous pouvez aussi vite descendre de 500 mètres », ce qui parfois suffit pour récupérer.
30 minutes de marche, 5 minutes de repos
Fort de ces résultats, le professeur Richalet me donne le feu vert pour gravir le Kilimandjaro mais me demande « d’éviter les efforts intenses en début de séjour en altitude ». Son conseil est d’avancer avec « un rythme de 30 minutes de marche pour 5 minutes de repos, en buvant à chaque fois l’équivalent d’un verre d’eau ». Enfin, une prescription d’Acétazolamide (Diamox) m’est délivrée. Ce médicament (deux fois un demi comprimé matin et midi à débuter 24 heures avant l’arrivée à 3 000 mètres) « réduit globalement de moitié le risque de développer une manifestation sévère du MAM ».
Un prescription et un questionnaire de suivi
Avant de partir, le professeur me donne un questionnaire de suivi – où je devrais mentionner tous les symptômes ressentis, lesquels sont ensuite convertis ensuite en points – que je devrais remplir chaque soir (à partir de 2 000 m) lors de mon ascension du Kili. Cette petite grimpette en terre tanzanienne doit s’effectuer en cinq jours et demi (un jour et demi pour la descente). Le questionnaire vise à mieux corréler les résultats des tests en laboratoire aux signes observés sur le terrain. Bref c’est bon pour la recherche médicale. En espérant que je puisse bien goûter aux neiges éternelles du Kilimandjaro et ses paysages enivrants.
Pour conclure, sachez que ce test en hypoxie, recommandé pour les personnes qui projettent un séjour en haute altitude, pour celles aussi qui n’ont jamais dormi au-delà de 3 000 mètres d’altitude ou celles qui ont été malades lors d’un précédent voyage, coûte 120 euros. Il n’est pas remboursé par la Sécurité Sociale. Il est possible de le pratiquer dans une vingtaine de centres en France.