Tourisme sportif : « deux grandes formes de pratiques se dégagent »

Auteur en compagnie de Nathalie Le Roux et Eric Perera de l’ouvrage « Tourisme sportif – territoires et sociétés » (Elya Editions), le sociologue Thomas Riffaud explore la complexité de ce secteur en mutation. Il s’intéresse aux enjeux sociétaux et aux impacts territoriaux d’une pratique qui a beaucoup de choses à dire sur nos modes de vie et sur les mondes contemporains.

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N’est-ce pas d’abord la quête d’aventure qui stimule l’imaginaire des sportifs.

« Ce n’est pas un livre de recettes où l’on va expliquer aux professionnels ce qu’il faut faire, mais plutôt un livre de réflexion à même de faire des ponts entre universitaires et professionnels du tourisme sportif » indique d’entrée Thomas Riffaud, sociologue à l’université de Montpellier. Ce préalable posé, les trois co-auteurs prennent le temps dans cet ouvrage de décrypter cet « objet hybride et polymorphe captivant » qu’est le tourisme sportif.

Un tourisme sportif qui est « étudié dans le monde de la recherche depuis les années 90, et dont l’objet questionne à nouveau avec la période que nous traversons » résume Thomas Riffaud. « Tourisme sportif, l’expression est capable de faire rêver tout un peuple de confinés » indique le géographe Luc Gwiazdzinski dans la préface. Ayant signé la postface du livre, le chercheur français Charles Pigeassou définit le tourisme sportif comme comprenant « tous les voyages dans lequel le sport n’est pas seulement un adjuvant mais bien un élément central ».

« Le rapport au corps et au monde a changé »

Partant de ce constat, les auteurs, enseignants chercheurs à l’université de Montpellier distinguent deux grandes formes de pratiques. Historiquement il y a d’abord l’aventure qui stimule l’imaginaire de sportifs qui décident de partir dans des expéditions où le risque et l’imprévu sont attendus, à la recherche d’émotions que les sociétés aseptisées et sécurisées ont rejetées. « Ce tourisme-là perdure mais il est fortement concurrencé par le tourisme sportif plus contemplatif » poursuit le sociologue. Au-delà de la performance, il s’agit ici d’instaurer une sensorialité intimiste avec la nature, une expérience où le temps ralentit, une activité où l’empreinte habituelle du touriste est minimisée.

D’un côté l’effort physique intense, le dépassement de soi ; de l’autre, le slow travel, la contemplation. « Nous avons aujourd’hui des sociologues qui nous parlent d’écologie corporelle, de bains de sable dans le désert (Ndlr : la sablo-thérapie). Le rapport au corps et au monde a changé » souligne Thomas Riffaud. En témoigne aussi « le succès de la randonnée avec un rajeunissement du public et un élargissement du nombre de pratiquants ».

N’oublions-pas qu’avant la crise du Covid-19, le tourisme sportif représentait « un enjeu fort pour les destinations étrangères ». Comme il nous est rappelé dans cet ouvrage collectif, le tourisme sportif constitue parfois « la principale ressource ou l’unique ressource locale ». Les exemples ne manquent pas : « la plongée en mer Rouge, le windwurf ou kitesurf à Essaouira au Maroc, les treks au Népal… « Là, nous explique-t-on, le tourisme sportif désenclave complètement ces destinations qui n’existent médiatiquement, politiquement et économiquement que grâce à ces activités sportives ».

« Une énorme carte à jouer pour les territoires »

Côté chiffres, comparé au tourisme de masse, « l’enjeu du tourisme sportif ou plutôt du voyage d’exploration est plutôt faible ». On apprend que « le poids des principaux leaders du marché français avoisine 300 millions d’euros, incluant les tour-opérateurs spécialistes de la randonnée, de la plongée, du vélo ou encore de la glisse l’hiver. C’est un marché de niche, opéré par des spécialistes de petite taille comparés aux 160 milliards du tourisme français ».

Interrogé pour apporter son expertise dans ce livre l’économiste Malek Bouhaouala rappelle que « les territoires ont une énorme carte à jouer en matière de tourisme sportif, pour des raisons purement économiques, mais également pour des enjeux de marketing territorial où l’important est de se montrer ». De sortir de l’anonymat. Le tourisme constitue une part importante dans le PIB des plus grandes régions françaises. « La région Auvergne-Rhône-Alpes dont le tourisme est principalement fondé sur les sports de montagne capte plus de 14% de la consommation touristique nationale » souligne Malek Bouhaouala.

« Bien qu’il ne soit pas irréprochable sur le plan écologique, le tourisme sportif et l’image positive qu’il véhicule dans la société constitue à coup sûr un levier de développement pour un territoire » assure Thomas Riffaud. Le hic selon lui, c’est que « nous avons encore beaucoup à apprendre sur notre manière de limiter notre impact sur l’environnement ». Et de pointer le ski ou le golf, « des disciplines pas très écolos ». Posons-nous la question, « traverser le monde en avion pour aller grimper un sommet a-t-il un sens ? ».

« Les années qui viennent seront cruciales pour le secteur du tourisme sportif »

Ce qui est sûr, c’est qu’il « n’est plus envisageable aujourd’hui de concevoir l’organisation d’un évènement sportif en pleine nature sans prendre en compte son impact environnemental et social ». Avec aussi, dans ce contexte de pandémie, l’avènement d’un autre tourisme sportif. En effet, nous disent les chercheurs, « le sportourisme santé exalte la santé et le bien-être, mais en harmonie avec la nature à la fois dans une relation de respect écologique et dans l’activation du vivant en son corps par trois types d’activités : le tourisme durable, le tourisme immersif et le tourisme de l’éveil ».

« Les années qui viennent seront cruciales pour le secteur du tourisme sportif » affirme Thomas Riffaud pour qui « la pandémie a remis en lumière nombre de contradictions ». Il développe : « elle a certes stoppé les départs lointains (fermetures des frontières et confinements répétés), mais les usages touristiques se sont restructurés pour offrir de la diversité dans les expériences touristiques de proximité, modifiant dès lors les flux de fréquentation en périphérie des grandes villes et provoquant même parfois la sur-fréquentation de certains sites protégés ».

« En pleine période de sportivisation de la société », il est intéressant d’observer l’hétérogénéité de formes que prend le tourisme sportif. « Si le produit n’est pas clairement lisible, les professionnels peuvent se saisir de toute cette variété pour proposer une offre diversifiée en adéquation avec son public et son territoire » souligne le jeune professeur de sociologie par ailleurs fan de vélo et de roller. Face aux enjeux qui nous attendent, « le Covid nous a mis une bonne baffe », l’universitaire est convaincu que le tourisme sportif va être « embarqué dans la transformation du tourisme en général ».

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Tourisme sportif – Territoires et sociétés

Sous la direction de Thomas Riffaud, Nathalie Le Roux, Eric Perera

Alya Editions

20 euros

 

David Savary

Rédacteur en chef
Contact: david.savary@sport-et-tourisme.fr

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