Zambie : safari oui… mais à pied !

Lancés vers 1950 par un tueur d’éléphants repenti, la Zambie s’est imposée comme la pionnière (et la spécialiste) des safaris à pied. Sentiment de risque, exercice physique, mais aussi, contact plus direct et plein d’anecdotes avec la terre d’Afrique.

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Les derniers rhinocéros blancs de Zambie au cours d’un safari à pied. ©Dominique de La Tour – Pentadom

Sous la demande pressante des passagers, le minibus s’arrête : « Un troupeau d’éléphants ! ». C’est vrai, ils sont là, dans les faubourgs déglingués de Livingstone : une dizaine d’individus. Ouvrant les fenêtres à glissières grippées par la constance nuageuse des poussières rouges, les clients tendent portables et Nikon vers les animaux au teint roussi de latérite. Un éléphanteau est tout près, à quelques pas du rectangle anthracite des portables. Ça ne se fait pas un pli : son éléphante de mère accourt, grognant, soufflant, balançant la trompe comme une batte de baseball. Terrifié, le chauffeur passe la seconde et s’arrache du bas-côté. « Elle va nous charger ! ».

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Une éléphante qui veille sur son petit. ©Dominique de La Tour – Pentadom

Un chasseur assagi

Je ne saurais dire si c’est la peur ou la sagesse qui nous a éloigné des énormes mammifères – laissant sur leur faim mon grand angle et mes pixels. Quoi qu’il en soit, pour mon programme piétonnier de demain matin, je relativise ma vision irénique des pachydermes : la crainte des éléphants n’est pas qu’une vue de l’esprit.

« Ils sont nombreux en ville, m’avait prévenu un cuistot français émigré à Lusaka, la capitale. Quand je vivais à Livingstone, mes enfants m’appelaient : « Papa ! Papa ! Regarde : un chien ! » : c’était une rareté dans ces rues où on ne croise qu’éléphants et girafes ! ». La ville porte le nom du célèbre explorateur du XIXe, David Livingstone, toujours porté aux nues malgré 60 ans de décolonisation : le docteur écossais avait démantelé l’esclavage, organisé depuis les comptoirs arabes de l’océan Indien. Un autre « Blanc » a la faveur des Zambiens – à l’heure où l’Afrique blessée donne dans la rancœur anti-occidentale – c’est un certain Norman Carr.

D’abord engagé par les autorités brits pour liquider les fauves qui harcelaient les villages, Carr (1912-1997) a fait une chose déterminante pour ce qui s’appelait alors Rhodésie du Nord : il a eu l’idée qui fait la prospérité de tout coin d’Afrique doté d’un peu de faune : observer les bébêtes plutôt que leur tirer dessus. Le tueur repenti a fédéré l’expérience des chasseurs locaux, non plus pour abattre le gibier, mais pour le regarder vivre. C’est ainsi que safari – mot swahili qui signifie « voyage de chasse » – est devenu synonyme d’observation attendrie, voire de mitraillage… photographique.

Problème de rangers

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La garde armée veille. ©Dominique de La Tour – Pentadom

Le 4X4 s’arrête. Nous sautons à terre. Nous sommes cinq, et le guide nous présente son auxiliaire sine qua non : le garde. Kalachnikov à la bretelle, sa mission est double : favoriser les belles rencontres, éviter les mauvaises. « Vous le suivez toujours, hein ? Marchez tous dans la même trace ». 5 km ? 9 km ? Guide et garde se sont concertés : selon votre condition physique, il faut évaluer, dès le départ, la longueur de la boucle que vous ferez avant de retrouver le véhicule – et un British tea avec shortbreads, jaillis d’un thermos et d’une boîte en fer soigneusement mis à l’abri des babouins voleurs.

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Guide et garde armé pour un safari à pied. ©Dominique de La Tour – Pentadom

Des hurlements et des éclaboussures : tirant de leurs rêves de casse-croûte vingt crocos sur leurs bancs de sable, deux hippopotames s’affrontent dans la boue caramel du Zambèze. Ils se labourent le dos et le mufle à grands coups d’incisives. Comme pour souffrir avec eux, la semelle de ma rangers gauche, trop usée, se met à bâiller, et je me retrouve à boiter pour raison mécanique. Le guide doit maintenir l’allure : il trouve un fil de fer et l’entortille autour de la chaussure. Un bon guide doit savoir résoudre ce genre d’imprévus. Quant aux besoins pressants, le garde bat la broussaille pour mettre en déroute fauves et serpents – et le guide, dans sa pudeur toute évangéliste, nous fait regarder ailleurs quand le client pressé s’affaire derrière les arbustes que les éléphants ont dépouillé de leurs attraits.

Traquer le McDo de la brousse

Notre homme dépiaute une de leurs bouses. Pas au point, le système digestif ! À tel point que les singes adorent fouiller dans les excréments pour faire main basse sur les graines, rejetées intactes. Et le guide de nous faire découvrir le monde des termitières, ou des racines de baobabs – « un excellent anti-fatigue et anti-oxydant ! » – et les traces laissées sur les parois fangeuses des « autoroutes à hippos ». Je suis très fier d’avoir identifié celles d’un porc-épic, moins d’avoir cru voir le parcours sinueux d’un serpent – « Mais non : c’est juste le balancement de la trompe d’un éléphant ! ». J’apprends aussi les surnoms que les guides donnent à ceux qu’ils traquent : « Cet oiseau c’est « l’oiseau allemand », avec son plumage noir-rouge-or, et cet impala, le « McDo de la brousse », rapport au « M » qu’il porte sur les fesses ; et ce feuillu d’où pendent des fruits allongés, c’est l' »arbre à saucisses ». Voici d’ailleurs des girafes qui dégustent avec avidité ce fruit fadasse.

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Magnifique éléphant. ©Dominique de La Tour – Pentadom

À pied, je découvre en direct les bêtes les plus fauves. Nous ne verrons pas le léopard promis – vu il y a une demi-heure par un autre groupe, il doit être en train de nous mater en ricanant sur sa branche d’arbre. Mais voici encore une bagarre, à dix mètres de nous : cinq rhinocéros blancs se donnent des coups de corne avant de reprendre leur sieste : « Vous avez de la chance : ce sont parmi les neuf derniers de Zambie ». Les braconniers sont encore nombreux ici. Le guide vient d’ailleurs de tomber sur un de leurs collets, fait d’un câble d’acier. Fusil ou Kalachnikov sont aussi là pour se défendre des « poachers » (les « bracos ») : avec dix ans de prison, ils ne se laissent pas toujours arrêter de bon cœur.

Par Dominique de La Tour

Journaliste

Pratiquer le « walking safari »

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Girafes au cours d’un safari à pied dans le parc de South Luangwa. ©Dominique de La Tour – Pentadom

Adresses :

  • Sanctuary Sussi & Chuma (sanctuaryretreats.com/safaris/zambia/sanctuary-sussi-chuma/) : dans le parc national de Mosi oa Tunya, à Livingstone, près des chutes Victoria, 12 maisons suspendues au bord du Zambèze, restaurant et bar, petite piscine. Service familial. 
  • Kafunta River Lodge (kafuntasafaris.com/kafunta-river-lodge/) : non loin de la rivière Luangwa, dans le South Luangwa National Park, 8 bungalows ouvrant tous sur un marécage où paissent les éléphants. Personnel chaleureux et motivé.
  • Dans la même réserve, Puku Lodge (www.chiawa.com/south-luangwa-safari-lodge-puku-ridge/), au bord d’un point d’eau, 8 logements grand luxe (baignoire extérieure et intérieure, chambre secondaire sur le toit, pour dormir à la belle étoile), bar doté d’un télescope, restaurant avec feu de bois.

En sus des safaris à pied, les trois hôtels proposent des « game drives » traditionnels en 4X4. C’est moins sportif, mais très complémentaire (on parcourt plus vite plus de distance, et la radio des véhicules met en commun les renseignements sur la position des animaux.

Avion : 

Aucun vol direct. Comptez plutôt sur votre comparateur de vol pour atteindre Lusaka (vols intérieurs pour Livingstone – parc de Mosi oa Tunya – et Mfuwe – South Luangwa).

Equipement : 

Bonnes chaussures de marche un tant soit peu étanches et surtout « déjà faites », imper léger mais vraiment efficace contre d’éventuelles pluies torrentielles, chapeau à l’épreuve du soleil et de la pluie, sac résistant à l’eau, gourde de bonne capacité, répulsif à moustiques « tropical », petite pharmacie (pansements dont deux de grande taille, protections pour ampoules, teinture d’iode, pince à épiler, antihistaminique, traitement pour les problèmes intestinaux). Pas de vêtements blancs, trop voyants. Adaptateur pour prises de courant « britanniques » (220 volts comme en France).

Divers : 

La meilleure saison est la saison sèche mais pas trop chaude de septembre à octobre. 100 kwachas zambiens valent 3,50 E. Dollars acceptés, beaucoup moins les euros. Aucun décalage horaire d’avril à octobre. Une heure d’avance le reste de l’année. Pas de visa (mais passeport valable six mois) pour moins de 90 jours. Langue officielle : anglais.

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