Catherine Destivelle : « Il me faut un endroit où l’on peut faire de l’escalade »
Durant ses années de compétition, Catherine Destivelle fut considérée comme l’une des meilleures grimpeuse et alpiniste au niveau mondial. Elle détient toujours de nombreux records inégalés. Vivant dans la vallée de Chamonix, elle est depuis six ans à l’origine et à la tête des Editions du Mont-Blanc.
Que vous évoque le mot voyage ?
Le voyage est pour moi une parenthèse dans une vie réglée, une bulle d’oxygène où l’on se ressource. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de partir loin pour cela. L’évasion peut être à côté de chez soi, dans la nature durant deux jours.
Quel sont les endroits qui vous ont le plus particulièrement marqués ?
J’aime beaucoup les endroits qui sont habités. Par exemple, le Népal, le Tibet, des lieux où l’on se déplace de village en village à pied. Rencontrer les gens, c’est super important. J’aime vivre avec eux, qu’ils nous fassent partager leurs connaissances, leur culture. C’est très enrichissant.
L’idée d’avoir besoin des habitants pour évoluer dans leur pays est importante aussi. J’ai un souvenir au Mali en 1987 où nous étions partis grimper dans les falaises de Bandiagara. C’est la première fois que nous demandions de l’aide aux gens sur place. D’habitude ce sont les ONG qui leur viennent en aide, en leur apportant de l’eau… En fait, ces gens-là avaient l’habitude de recevoir mais jamais ils ne donnaient. C’est cette notion qui est intéressante. Avec nous, ils étaient contents de pouvoir nous aider. Ils nous ont dit où grimper, où loger… Ils voulaient nous accueillir, j’ai dit oui, et il était tout à fait normal de les rémunérer.
Pouvez-vous nous partager une anecdote de voyage ?
Dans les années 80, je suis allée en Thaïlande grimper dans les bambous afin de chercher des nids d’hirondelles. C’était du côté de Phuket. J’accompagnais alors des pêcheurs qui se rendent sur les rochers émergeant de l’eau, puis s’introduisent dans des grottes pour fixer les bambous permettant d’atteindre les nids d’hirondelles. Ces nids, fabriqués avec la salive des oiseaux, constituent des mets très prisés, notamment en soupe, car ils possèdent des vertus curatives et aphrodisiaques. Personnellement je n’ai pas goûté. Les nids d’hirondelle sont également une source de revenus importants avec le commerce qui est fait avec la Chine.
Les pêcheurs grimpent pieds nus, ils ne sont pas encordés. Je n’étais pas forcément rassurée. Mais c’est une expérience incroyable que de vivre avec eux, avec leurs croyances… Ils emportent leur petit bouddha dans la grotte pour faire des prières et faire en sorte que tout se passe bien. En résumé, c’est intéressant de visiter une destination sous cet angle car on nous fait voir des choses que les touristes classiques ne voient pas.
Où vivez-vous aujourd’hui ?
Je vis aux Houches à côté de Chamonix.
Comment choisissez-vous vos vacances, quels sont vos critères pour voyager ?
Ce que j’aime par-dessus tout, c’est grimper. Il me faut donc un endroit où l’on peut faire de l’escalade, de la marche. Il est vrai que je voyage moins depuis que je suis éditrice (Ndlr : à la tête des Editions du Mont-Blanc) car je n’en ai plus le temps. Mais dès que je peux, je pars. Par exemple, j’adore grimper en Angleterre. Avec toutes ces multiples falaises au-dessus de la mer, c’est un autre terrain de jeu de ce qu’on peut trouver en France. Il existe une plus grande part d’aventure car là-bas il est interdit de mettre des pitons. On doit placer soi-même ses protections.
Etes-vous plutôt voyage improvisé ou voyage organisé ?
Voyage organisé, je n’ai jamais fait cela. Quand je pars, je m’organise sur place. Je comprends que pour ne pas perdre de temps, on choisisse une structure encadrée. Mais moi, ce qui me plaît, c’est être tranquille, toute seule ou avec des gens que je connais. En fait je préfère partir moins loin plutôt que de partir au long cours en voyage organisé.
Quelle est votre prochaine destination ?
Il n’y a rien de planifié. On m’a proposé de partir sur un bateau en Antarctique, et d’aller grimper sur les montagnes alentours, faire de la peau de phoque… Je verrai, cela dépendra du contexte.
Si vous deviez poser vos valises, le paradis ce serait où ?
Là où je suis, aux Houches, c’est pas mal. Au pied des montagnes, dans l’Oisans, je suis bien. Car il y fait souvent beau, ce qui permet de faire du ski et de l’escalade dans la même journée, ce qui est rare. Donc oui l’Oisans serait un bel endroit.
Quelques éléments de biographie
Catherine Destivelle s’initie très jeune à l’escalade dans la forêt de Fontainebleau. A 15ans elle y réussit les rochers les plus difficiles. À 17 ans, durant ses week-ends de lycéenne, elle multiplie les plus grandes ascensions dans les Alpes. À 20 ans, elle se consacre à son métier de kinésithérapeute et, cinq ans plus tard le goût de l’escalade reprend le dessus et elle participe aux compétitions internationales de la discipline.
Entre 1985 et 1988, elle est considérée comme la meilleure grimpeuse du monde. A partir de 1990, elle opère un retour à la haute montagne avec une série d’ascensions et d’exploits dont l’ascension en hiver et en solitaire des 3 faces les plus mythiques des Alpes, l’Eiger, les Grandes Jorasses, le Cervin, qui font d’elle la plus brillante alpiniste de l’histoire.
Toujours animée par le désir de partager sa passion de la montagne, elle cofonde et dirige depuis 2014 les Éditions du Mont-Blanc, une maison d’éditions dédiée aux textes qui parlent de montagne et d’escalade : romans, récits, policiers, livres jeunesse, beaux livres, manuels techniques. L’un de ses derniers ouvrages, « Bleau Blocs » figure dans toutes les bonnes librairies.