Marc Thiercelin : « La norme ISO chez nous, c’est la vie »
Invité il y a quelques jours en Guadeloupe lors la convention du réseau d’agences de voyages Cediv Travel, le navigateur Marc Thiercelin est venu délivrer une leçon de vie aux 180 participants présents. Il a notamment évoqué les similitudes entre l’univers de la voile et celui de l’industrie du travel.
Entre des agents de voyages et un navigateur emblématique totalisant cinq tours du monde en solitaire et quatre Vendée Globe, à priori rien de commun. Et pourtant si. C’est ce qu’est venu démontrer le spécialiste de la course au large Marc Thiercelin, 63 ans, lors de la convention annuelle du réseau Cediv Travel.
L’incertitude, « cette adrénaline pour avancer »
« Le dénominateur commun de nos métiers, c’est l’incertitude » résume Marc Thiercelin. « Nous devons faire face à l’incertitude technologique, météorologique… Chaque challenge est nouveau » ajoute l’homme aux 24 transats précisant que c’est justement « cette dimension de l’incertitude qui ajoute du piment » dans ses aventures en mer.
Présidente du Cediv Travel, Adriana Minchella abonde dans ce sens : « Nous aussi sommes toujours dans l’incertitude. Et c’est peut-être elle qui nous donne cette adrénaline pour avancer ».
Leader charismatique de son réseau, elle ne s’est pas trompée en invitant un navigateur sur sa convention. Un choix délibéré car il existe en effet une analogie entre « la construction d’un projet de navigation et l’élaboration d’un projet de voyage ». Si le marin est seul face à ses engagements et ses responsabilités, le vendeur l’est finalement tout autant face à ses clients. En résumé, il faut se battre au quotidien pour triompher de l’adversité.
« Chacun doit se sentir mobilisé vers un Objectif »
« Chacun doit se sentir mobilisé vers un Objectif » assène celui qui a « couru tout ce qui peut se courir sur mer sauf la Coupe de l’America ». Et pour atteindre sa cible, mieux vaut bien se préparer en amont.
Compétiteur dans l’âme, Marc Thiercelin est parfaitement conscient que « la réussite d’un projet de navigation dépend aussi de la volonté des autres : les sponsors, partenaires, prestataires qui vont venir nous appuyer ». Réduit à une « bande de potes au départ », le projet se structure petit à petit pour devenir une véritable entreprise faisant « travailler jusqu’à 1 000 fournisseurs, surtout des TPE interagissant entre elles afin de construire une œuvre commune ».
« Un bateau de course tel qu’un IMOCA (Ndlr : classe des voiliers monocoques de 60 pieds principalement destinés aux courses océaniques en solitaire telle que le Vendée Globe, ou en double, comme la Route du Rhum) représente environ 100 000 heures de travail pour le préparer et 25 000 heures pour l’entretenir et le faire évoluer chaque année » affirme celui qui a fini deuxième du Vendée Globe en 1996-1997.
« La mer peut broyer ce qu’elle veut à tout moment »
Autrement dit, « c’est une alchimie très complexe à obtenir parce que le bateau a beau être grand, 20 mètres de long sur 6 mètres de large, cela reste un bateau, et quand vous faites travailler 150 à 200 personnes en même temps dans les six mois qui précèdent un Vendée Globe (Ndlr : course autour du monde, en solitaire et sans escale ni assistance), c’est tendu, ce n’est pas un long fleuve tranquille » complète Marc Thiercelin pour qui s’entourer des meilleurs n’est pas un gage de réussite car « la mer peut broyer ce qu’elle veut à tout moment ».
« Il y a la course à terre et la course en mer »
Dans ce « sport où le matériel compte beaucoup, il y a la course à terre et la course en mer » indique le skippeur français. Il s’explique, « la course à terre, on l’associe à l’anticipation. Anticiper tout ce qui va se passer et qui pourrait se passer. La course en mer, elle, consiste à parachever le travail effectué par les équipes à terre. Il s’agit de s’adapter et montrer que les choix ont été les bons ». Un travail collectif de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
« Un tour du monde, un million de chocs dans les vagues »
Se rêvant tout jeune violoncelliste, Marc Thiercelin joue à bord de ses bateaux le rôle d’un véritable chef d’orchestre en lien avec ses équipes à terre. Mais il sait aussi « qu’à tout moment il peut perdre la vie ». « Un Vendée Globe, c’est huit Routes du Rhum mises bout à bout. La norme ISO chez nous, c’est la vie » déclare-t-il, expliquant qu’un tour du monde, « c’est un million de chocs dans les vagues ».
Les agents de voyages ont aussi de leur côté traversé bien des tempêtes, « si vous êtes-là, c’est que vous en voulez encore » leur déclare Marc Thiercelin. « On ne vit qu’avec l’incertitude. Quand on part en voyage, rien n’est acquis » confirme Adriana Minchella qui évoque « en fin d’année, le partage de résultat avec les partenaires fournisseurs : TO, compagnies aériennes…, cette gagne avec les équipes comme toi quand tu réussis ta course ».
Ne pas céder à « une peur négative qui empêche d’avancer »
« Il faut accepter cette dimension du risque où rien n’est écrit sinon cela n’a aucun intérêt » admet le navigateur francilien qui invite à ne pas céder à « une peur négative qui empêche d’avancer ». Selon lui, la navigation au grand large n’est « pas un métier d’imposteur ». Tout comme celui d’agent de voyages.
La Route du Rhum, objectif suprême en Guadeloupe pour les « Guerriers des Mers
C’est l’une des plus mythiques courses transatlantiques en solitaire. L’objectif suprême pour ces « Guerriers des Mers » comme l’indique Adriana Minchella, présidente du Cediv. Cette compétition à la voile se dispute tous les quatre ans, fin octobre début novembre, entre Saint-Malo et la Guadeloupe. La dernière édition en 2022 a vu la victoire de Charles Caudrelier qui a mis 6 jours 19h00 et 47 minutes pour rallier Pointe-à-Pitre depuis l’Ille-et-Vilaine. Il a devancé François Gabart et Thomas Coville. La 13ème édition doit s’élancer à l’automne 2026. Un évènement qui demeure étroitement associé aux Îles de Guadeloupe.