Michaël Ruysschaert (Savoie Mont-Blanc) : « Nous voulons amener les jeunes à la montagne »
En partenariat avec la FISE, Michaël Ruysschaert, directeur général de l’agence Savoie Mont-Blanc, veut proposer aux passionnés de sports freestyle de nouveaux évènements dans les stations, été comme hiver. Une volonté aussi via les réseaux sociaux de séduire les jeunes qui ont déserté la montagne ces dernières années.
Vous partez à l’assaut des jeunes en portant vos efforts sur le développement des sports freestyle. Pourquoi ?
Ces 20 – 30 dernières années, que ce soit sur la partie ski et la partie outdoor, nous avons éprouvé des difficultés à amener de manière massive les jeunes sur nos territoires.
Je me rends compte qu’il existe une vraie problématique sur les jeunes, pas seulement en France mais sur l’ensemble de l’Europe et même au-delà. Le Japon par exemple en l’espace de dix ans a perdu un jeune sur deux au ski. Dans le même temps nous observons une grande porosité dans l’univers board culture (Ndlr : culture de la glisse) entre le ski, le snow, le télémark l’hiver, et le skate, le BMX, le roller ou la trottinette l’été.
Les jeunes, c’est un vrai sujet de préoccupation ?
Avant de prendre mes fonctions à la tête de l’agence Savoie Mont-Blanc en octobre dernier, j’ai été durant 4 ans le directeur de la station d’Avoriaz, une station très board culture, avec 22% de snowboarders contre 2 à 3% en moyenne pour la France. C’est une forte communauté dépendante des infrastructures en place. C’est la rareté du produit qui amène de grandes communautés européennes. Avoriaz comme Laax en Suisse sont un peu les deux stations snow des Alpes.
Selon une étude, il existe 2,3 millions de jeunes qui pratiquent le roller, le skate ou le BMX en France et qui ont une sensibilité très forte pour la glisse l’hiver. Malheureusement ils ne convertissent pas. Ils sont inspirés mais ne viennent pas par méconnaissance de la montagne.
Pour les convertir, vous vous êtres rapprochés du FISE (Festival International des Sports Extrêmes) ?
Oui parce que nous partageons à peu près les mêmes valeurs, nous nous sommes demandés ce que nous pouvions faire ensemble. Et puis nous sommes en plein dans l’actualité avec le BMX et le skateboard qui font leur première apparition cet été aux JO de Tokyo.
Nous avons créé une mini-tournée autour des sports freestyle pour sensibiliser toute une communauté (voir ici notre article). Le FISE est suivi par plus de 2 millions de jeunes. Eté comme hiver, nous voulons créer du lien avec la génération Z, les amener à la montagne.
N’oublions-pas que Savoie Mont-Blanc représente 65% de l’offre ski en France. Nous ne devons pas nous contenter d’être spectateur mais être acteur en incarnant des sujets de fond.
Une partie de votre travail consiste à identifier les stations à mêmes d’accueillir la cible jeunes ?
Absolument, sur les 112 stations du territoire Savoie Mont-Blanc, nous sommes en train d’identifier celles qui sont prêtes à franchir le cap, et qui peuvent devenir un peu des lab’ autour des jeunes. Nous voulons incarner une promesse été-hiver multi-glisse.
Aujourd’hui il existe très clairement deux ou trois stations en Savoie et autant en Haute-Savoie qui disposent d’infrastructures et qui ont l’ADN pour avoir un positionnement auprès des jeunes, pré-ado, ado et jeune adulte.
Le skate, c’est un peu les sensations du snow. Eh bien nous disons aux jeunes, « si tu aimes ce port, viens-donc essayer à Tignes, Avoriaz ou La Clusaz ». Ils vont venir sur un territoire à plus de 2 000 m d’altitude avec des super zones de skatepark et de pump track.
Pour mieux (re)conquérir cette cible jeunes, vous voulez aussi créer du contenu ?
Oui les jeunes touristes d’aujourd’hui sont les clients potentiels de demain. C’est pourquoi nous déployons tout un plan d’actions en leur direction. Nous n’excluons pas la création d’un magazine spécifique, mais nous allons surtout investir les réseaux sociaux.
Si nous sommes la première communauté montagne au monde sur Facebook et Instagram, il faut reconnaître que les cibles ne sont pas tellement les jeunes. Donc nous portons nos efforts sur Snapchat et TikTok, plus en phase avec ce segment de clientèle. Via ces deux réseaux, nous allons proposer des contenus exclusifs avec par exemple des interviews de stars de la glisse.
De la séduction à la conversion de séjour, c’est un long chemin ?
Nous travaillons dans ce sens. La tournée mise en place avec la FISE, qui a pour l’instant valeur de test grandeur nature, est censée émerger sur un vrai projet hiver. Nous amenons des communautés à réfléchir sur de nouveaux sports, de nouvelles activités à grande échelle.
Plutôt que d’aller chercher un jeune sur Internet et le convaincre que le ski c’est bien, qu’il en parle ensuite à ses parents et que ces derniers voient s’ils ont les moyens d’aller à la montagne, nous, nous faisons le choix de nous adresser simultanément et instantanément à des millions de gamins via des communautés comme le FISE ou Red Bull. Nous créons du contenu pour qu’il soit viral, partagé et inspirant.
Pour amener les jeunes dans les stations, nous opérons un travail de facilitateur avec les opérateurs de bus, de train en lien notamment avec les groupes scolaires, les clubs…
Un mot sur l’été. Comment s’annonce la saison ?
Si l’on regarde le taux d’occupation de nos territoires, nous sommes à + 17% sur les mois de juillet et août. C’est excellent quand on sait que l’été 2020 avait été très bon. Dans le détail, nous constatons des réservations en hausse de 24% pour les villages de vacances et de 26% pour les campings haut de gamme.
Nous remarquons un changement de comportement et de priorité chez les gens. Les frontières sont aujourd’hui ouvertes, pour autant ils continuent de capitaliser sur la montagne. L’aspect fraîcheur joue un rôle. L’été les gens viennent prendre de la hauteur pour gagner des degrés en moins.